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9 janvier 2018 2 09 /01 /janvier /2018 20:42

 

L'amour éternel

 

  

          Oubliez ce que vous pensez savoir des fantômes et entrez plutôt sous le drap blanc avec Casey Affleck pour tenter de les comprendre. Car ce titre est à prendre au sens littéral : c’est l’histoire d’un fantôme. De sa naissance en tant que tel jusqu’à sa mort… si l’on peut dire.

Plus spécifiquement, c’est en préambule l’histoire d’un jeune couple, interprété par Rooney Mara et Casey Affleck, qui emménagent à deux, amoureux, dans cette maison qui sera le berceau de leur amour et le tombeau de l’un, après un fatal accident. C’est dans sa peau de tissu que l’on observera l’autre, celle qui reste et qu’on se sentira, puisque sans chair et sans os, atteints dans l’âme. C’est la démonstration en 92 minutes de l’adage qui dit que si l’on naît seul, on meurt également dans cette même solitude. Parce que c’est cette froide et dure réalité qui plane, c’est ce sentiment glaçant qui reste là, comme ce fantôme auprès de cette femme, comme auprès de chacun des spectateurs, à mesure que le film passe, lentement…

Et j’imagine aisément que c’est sur ce dernier point que les avis divergeront : en effet, le film est lent et fait d’une succession de plans séquences, souvent longs, au sein desquels l’action est assez simple et souvent banale. Et pourtant, regarder la jolie Rooney Mara manger une tarte durant six minutes est d’une intensité incroyable ! Relevant presque de la performance artistique. S’il était encore nécessaire de jauger ses qualités d’actrice, nul doute qu’elle finirait de convaincre n’importe lequel des juges avec cette scène. Effectivement on a cette farouche impression de retrouver la même jeune fille qui s’enroulait malicieusement dans les rideaux chez Malick, mais dans les deux cas, elle hypnotise. Son jeu est corporel, puisqu’il se dit très peu de choses finalement dans ce film où la suggestion et la contemplation apportent les réponses à tout. On ne peut sur ce point nier l’influence manifeste de Terrence Malick sur David Lowery. Si le format contemplatif et la photo léchée, parfaitement cadrée et éclairée, si belle qu’on voudrait en extraire chaque plan pour les regarder à loisir ; si cette recherche de perfection vous rebute, fuyez le film ! Après tout, les jolies choses ne le sont pas ainsi pour tous…

 

 

Mais non contente de trouver mon bonheur par les images, ce qui se dit en sous-texte est également d’une beauté saisissante.

Parce qu’on vit avec ce fantôme, simplement transposé tel qu’on l’imagine enfant, avec ce grand drap blanc qui se salit avec le temps, qui subit la vie des autres, de ceux pour qui elle continue vraiment, avec son lot de transformations auxquelles il assiste impuissant. On comprend ses sentiments sans qu’il n’ait grand moyen pour les exprimer et on est alors saisis. Les idées de mise en scènes sont nombreuses et me paraissent vraiment nouvelles sur grand écran. L’espace et le temps, sont sans cesse réinventés, et sans bouger on se déplace, on évolue. C’est une prouesse qu’on observe sur scène au théâtre et qui ici sert intelligemment l’histoire.

Le tout est merveilleusement mis en musique et en sons, avec une bande originale moderne et à la mode (Cigarette After Sex, Lorde, Glass Animals…), le rapprochant encore un peu du style de Malick. L’expérience d’une salle de cinéma pour le vivre est d’autant plus vivement recommandée.

 

Une multitude de raisons qui font de ce film, bien plus que ça, mais une expérience cinématographique et sensorielle… pour qui sait voir et ressentir.

 

À vivre actuellement au cinéma.

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