2017 en 10 chansons
1. Laura Cahen "Loin"
Le trip commence au sommet ! Puisque du haut de sa première place, la jeune et talentueuse Laura Cahen domine tout : la majorité de mes écoutes d’abord, à mon admiration la plus totale enfin. C’est bien simple je n’ai eu de cesse de l’encenser ! Car rarement j’ai ressenti le talent d’un artiste me sauter au visage et au cœur si droit et fort que j’en reste encore aujourd’hui transie… d’amour ? Certainement. Je crois qu’on est de cet ordre-là. Cette fille à tout pour réussir cette même opération séduction sur le plus grand nombre, grâce à des qualités d’écriture indéniables, au hasard cette formule magique : « le son du cor me rappelle le tiens ». Mais aussi avec cette sensibilité rare lorsqu’elle interprète ses chansons, d’une voix claire et puissante, qu’elle maîtrise aussi bien que les autres instruments qui l’accompagnent. J’ai choisi ce titre pour ces arrangements qui le magnifient encore un peu plus mais j’aurais pu choisir n’importe lequel des titres qui font de Nord, un petit chef-d’œuvre contemporain.
2. Grandaddy "A Lost Machine"
Lorsque j’ai découvert ce groupe de barbus californiens, quinze ans avant ce jour, j’étais alors en pleine mue musicale. Jason Lytle avait su me cueillir avec son album doux amer « The Sophtware Slump », depuis inlassablement dans mon top 5 de ces fameux albums qu’il faudrait emporter une île déserte, sujet dont il est question dans ce titre, A Lost Machine. Avec cette chanson, j’ai l’impression d’entendre des relents de « He’s Simple, He’s Dumb, He’s The Pilot ». Certainement ce duo entre le piano et la voix de Jason Lytle, et cette montée exaltante qui transforme la chanson, lui donne une puissance presque symphonique dans le traitement.
Hélas, la perte tragique de leur bassiste cette année a contraint le groupe à annuler sa tournée, ne me permettant pas de jouir de leurs morceaux ailleurs que sur disque vinyle…
3. Klub des Loosers (feat Xavier Boyer) "Neuf Moins Huit"
Réminiscence de jeunesse à nouveau avec Fuzati qui reprend les rênes du plus célèbre Klub que le rap français n’a jamais créé. À lui seul ou presque, puisque ce titre notamment est arrangé par Xavier Boyer (Tahiti 80), il réalise cet album aussi ambitieux que réussi. La verve toujours bien pendue, le rappeur versaillais s’épanche à l’envi sur la vacuité de nos vies, sur le ridicule de nos agissements, à grands coups de punchlines bien senties. Dans les chansons de Fuzati, on croise du bas-monde obnubilé comme lui on le suppose, par l’art vain et le vin tout court. Ici les mélanges sont à consommer jusqu’à la lie, dans un plaisir coupable de l’entendre nous conter la tristesse contemporaine.
4. Lana Del Rey (feat A$ap Rocky & Playboi Carti) "Summer Bummer"
Encore elle. En effet, un seul top lui aura échappé en cinq années, mais c’est que sa productivité est toujours d’une grande qualité ! Si le charme agit toujours c’est grâce à cette allure enjôleuse bien que surannée et à ce phrasé langoureux si caractéristique qui nous répète ici « It’s never too late, to be who you wanna be », comme un mantra lu par une gourou moderne et que c’est suffisamment efficace pour ignorer laisser place au moindre jugement contraire ! Et parce que la belle sait s’entourer elle partage les paroles avec A$ap Rocky et Playboi Carti, pour une joute terriblement efficace qui prouvera s’il le fallait que le hip hop est sexy sans que la femme en soit l’objet asservi.
5. Portugal. The Man "Feel It Still"
La chanson fell good de l’année ! Mais comment rester insensible ? Dès l’entame du titre on est déjà prêt à chanter à tue-tête avec John Gourley ! Difficile de décrypter la recette qui permet ce petit miracle, mais on peut aisément imaginer que le grain de sel d’un certain Danger Mouse (Black Keys, Adele, A$ap Rocky…) qui produit l’album n’est pas étranger à l’affaire... Feel It Still est d’ailleurs instantanément devenu le titre le plus populaire du groupe, le hissant en haut des charts américains tel que le Billboard ! Une performance qu’ils défendent remarquablement sur scène : rarement je n’ai vu de groupe aussi vif en concert ! Leur show était drôle et entrainant, s’éloignant du line-up consensuel, ils se permettent des interludes en reprenant Oasis ou encore Pink Floyd, improviser de longs bœufs et le tout en mêlant la vidéo à leurs titres, en cherchant humblement à créer une véritable communion avec leur public sans tirer les projecteurs à eux, au sens premier du terme ! Mon plus beau moment live de l’année, et la cinquième place de ce top, sans discuter…
6. Bonobo (feat Nick Murphy) "No Reason"
Décidemment, c’est un top éclectique qui se tisse ici, puisque qu’avec Bonobo, voici la part électro qui remporte tous mes suffrages. Simon Green, le célèbre DJ, se fait une fois de plus remarquer avec sa nouvelle production, Migration, qui renferme tout un lot de titres gagnants, mais dont No Reason, en collaboration avec Chet Faker remporte le premier prix. Tout d’abord parce que ce duo sample mi percussions-mi digital et voix de tête fonctionne parfaitement. C’est vaporeux, envoûtant, on voyage… et pourtant, il est question d’enfermement, de besoin de dépaysement mais sans déplacement, ce malaise contemporain qui définit assez bien le titre et la musique plus largement. Le clip l’illustre très joliment d’ailleurs, où quand l’image se joint au son à la perfection.
7. Arcade Fire "Electric Blue"
Le retour tonitruant et tant attendu d’un des groupes les plus inventifs du rock moderne ! On imagine aisément la difficulté de produire à nouveau après l’impeccable Reflektor, si bien que le groupe emmené par les frères Butler prend à nouveau les fans au dépourvu en opérant un virage serré dans leur identité même, revenant avec des titres bien plus courts, perdus quelque part aux confins du disco comme l’atteste ce titre, Electric Blue. C’est Régine Chassagne qui tire la part-belle de ce morceau lancinant, clamant son texte comme un défi au monde moderne et à quiconque veut bien l’entendre. Elle semble se jouer de la ritournelle qui gentiment l’accompagne sur le refrain, comme pour nous dire qu’après tout, tout leur est permis et qu’ils n’attendent pas l’aval de la foule pour explorer de nouvelles sonorités. Finalement, une fois l’heure d’écoute religieuse écoulée, c’est ce refrain que l’on chantonne encore…
8. Sandor "Rincer à l’Eau"
On s’achemine doucement mais sûrement vers une parité parfaite dans ce classement. 2017 s’inscrira plus que jamais sous le joug féminin, de celles qui prennent le pouvoir, et dans le genre, Sandor se place un peu là. La suissesse touche à tout, écrit, compose et interprète ses titres avec force. Encore confidentielle, elle a pourtant fort à démontrer. D’une voix revancharde bien qu’elle parle souvent d’amour, on entend dans cette attitude toute la rage de la passion qui l’inspire. Ses textes sont pleins d’images, mélangeant le champ lexical de la guerre à celui de l’amour, et le résultat vise juste. Le choix atypique du synthétiseur dans l’arrangement apporte toute la particularité à ses créations. Une découverte à suivre de près, gageons qu’après un EP prometteur, un album arrive de bonne heure !
9. Juliette Armanet "L’Indien"
Découverte sur un sampler (c’est que je me fais vieille) en 2016, j’attendais avec impatience la parution du premier disque de la parisienne. Il débarqua comme une fleur au printemps et avec lui toute la mièvrerie qui font à certains des allergies et que moi je trouve si jolie. Le retour du romantisme assumé par la belle, dans son plus simple accompagnement qu’est son piano suffit à mon bonheur. Qu’il est bon de chanter librement ses élans du cœur tout en rimes riches ! Elle libère cette parole sensible avec talent, de façon certes un peu empruntée à d’autres talentueuses interprètes d’une génération précédente, mais je crois sincèrement qu’il y a de la place pour une icône et pour sa relève. À quoi bon renier sa part niaise, être pour la libération féminine c’est clamer haut et fort que l’amour vaincra, et le dire en chanson c’est ce qui motive souvent la création. Car les mots sont faits pour être chantés autant que pour être vécus, et ça, elle l’a superbement bien compris !
10. Camélia Jordana "Ce Qui Nous Lie"
Parfois, l’amour frappe là où l’on ne l’attend pas. Mais souvent c’est qu’on est tout de même disposé à le recevoir. C’est au cinéma que s’est produit l’impact. Alors installée dans un de ces fauteuils rouges, c’est devant un film de Cédric Klapish et dans tout le confort qui caractérise son cinéma, que j’entendis sa voix. Bien sûr, elle ne m’était pas inconnue et comme pour le film, j’avais cette impression de déjà vu, déjà entendu, mais avec ceci de différent qui a fait de cette apparente tranquillité un bijou à protéger. Cette chanson est d’une beauté rare et cette voix cristalline si pure font qu’on tombe amoureux sans même sans apercevoir. L’éclat de cette découverte réfléchi encore après la séance, on l’emporte avec soi, on la chérit. Ainsi chaque écoute résonne comme au premier jour et me laisse à penser que les plus jolies choses comme les plus agréables mélodies peuvent parvenir à ceux qui savent les entendre…
Et parce que la musique vaut toujours mieux que mes grands discours...
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