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2 mars 2014 7 02 /03 /mars /2014 14:24

Troubles de voisinnage

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          D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours admiré Edouard Baer. Certains diront que je m’emballe un peu vite et que mon admiration vire souvent à la folie pure, mais je n’y peux pas grand-chose, les élans du cœur ne se contrôlent pas. Cet homme-là à ceci d’unique qu’il est doté d’une personnalité atypique rendant chacune de ses apparitions mémorables tant elles sont drôles, toujours un bon mot pour séduire son public, qui comme moi, lui est inconditionnellement fidèle depuis de nombreuses années, son style lui appartient et il joue de ce dernier avec une aisance qui ne peut qu’être applaudie… C’est donc ce que je me suis empressé d’aller faire au théâtre Edouard VII début février…

 

          Réduire cette pièce à son acteur masculin, aussi charismatique soit-il, serait une erreur puisque cette comédie écrite par Fabrice Roger-Lacan met en scène deux personnages de sexes opposés, de vies opposées, qui comme le veut la tradition, vont commencer par se détester cordialement, en bon voisins qu’ils sont. Car en effet tout commence ainsi, mais non sans surprise car lorsque je prends place, la scène est vierge de tout décor, rideaux déjà tirés, et les acteurs débarquent sans que l’on s’y attende. Ils commencent leurs tirades, chacun leur tour, nous permettant de comprendre immédiatement leur sort commun, la solitude. Dès lors, le décor entre en scène, avec une fluidité millimétrée et vient alors séparer nos deux protagonistes, chacun derrière leur porte respective. Coté cour, Baer campe un personnage simplet et fier de son implication dans l’industrie du produit laitier, un cadre dont le public aimera se moquer tant ses centres d’intérêts paraissent ridicules face à ceux de sa voisine de palier…Car côté jardin, c’est Emmanuelle Devos que l’on retrouve, on l’imagine au milieu d’un appartement cossu, dans lequel elle reçoit ses patients en sa qualité de psychanalyste acariâtre, qui, troublée par l’exubérance de son voisin, va faire voler en éclat le calme apparent de l’immeuble. Toutes leurs dissonances créent un heureux bordel, et leurs disputes qui crescendo prennent de la hauteur tant dans la verve que dans le niveau sonore, ne manquent pas de faire rire le public.  Leurs coups de sangs sont si violents que leurs cœurs sont rongés, leurs vies personnelles respectives étant désertées de tout amour. Mais pour y remédier ils vont prendre la même initiative farfelue : celle de s’inscrire sur un site de rencontres. La pièce prend alors un tournant comique de bas étage, comme pour souligner le ridicule de ce nouveau mode de drague sans charme, à grand renfort de statistiques sans fondements sur la compatibilité amoureuse et autres risibles pseudonymes qui défilent en arrière-plan, mettant encore une fois à l’honneur la créativité de la mise en scène signée Bernard Murat.

La suite on pense la connaître et pourtant rien ne va se passer comme prévu, mais pour le savoir il va falloir se déplacer pour l’entendre de la bouche de ces deux grands acteurs, qui à eux seuls vous tiendront en haleine jusqu’au dénouement, dans les rires et la mièvrerie entendue d’une romance d’aujourd’hui mais qui n’est pas pour déplaire, bien au contraire !

 

 

Actuellement au théâtre Edouard VII

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5 février 2014 3 05 /02 /février /2014 21:21

Amants d’un jour...

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      À l’instar de l’attraction indiscutable qui existait entre les deux amants de Vérone, je n’ai pu résister à l’envie de découvrir cette œuvre majeure de Shakespeare telle qu’il l’avait imaginée en l’écrivant, c’est-à-dire sur scène. Absente depuis plus de 40 ans à la programmation des théâtres privés parisiens, on salue d’emblée l’initiative. Car affronter un texte si emblématique est un choix courageux, tant pour ses acteurs que pour son metteur en scène.  Le pari fut double pour ce dernier, qui a pris le parti de moderniser le classique ultime, après s’être essayé sur quelques autres du dramaturge anglais. Il transpose alors l’histoire dans l’Italie mafieuse des années 50, comme peuvent l’attester les costumes créés avec goût et simplicité, faits de noirs et de blancs. Le décor lui aussi se présente  épuré,simplement les hauts murs d’une cité qui s’articulent autour de ses habitants. Mais Nicolas Briançon ne s’arrête pas là, et les scènes cultes comme celle du balcon prennent alors une posture nouvelle. Tout au long de la pièce les acteurs n’hésiteront pas à s’emparer de la salle pour faire vivre l’histoire hors des murs consensuels. Aidé par Julie-Anne Roth les textes se trouvent remaniés, néanmoins sans perdre une miette de ce qui crée la magie shakespearienne, fort heureusement, et je défie quiconque de ne pas être touché par la beauté de ses fines rimes et autres métaphores bucoliques… À cela viennent s’ajouter pas moins de cinq musiciens, occupant le fond de la scène, ils orchestrent de leurs mélopées latines les péripéties du jeune couple avec beaucoup de subtilité.

Evidemment, la pièce ne serait rien sans un couple de comédiens à la hauteur des ambitions. Il faut avouer qu’à ce jeu-là Anna Girardot et Niels Schneider pointent au-delà des espérances. Je fus subjuguée par la beauté innocente de la jeune femme. Telle Claire Danes dans le film de Baz Lhurmann, ce rôle lui semble taillé sur mesure, tant sa frêle personne se retrouve en adéquation avec la fragilité de l’héroïne de papier. Elle est d’une fraîcheur naturelle qui envoûte sans difficultés son acolyte québécois, au visage juvénile lui aussi, mais à la voix rauque qui apporte une profondeur appréciée à Roméo. Anna irradie de sa présence chaque scène où elle apparaît, une réussite d’autant plus acclamée lorsqu’on sait qu’elle joue ici pour la première fois au théâtre.


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Leur complicité est sans équivoque, et les acteurs qui gravitent autour d’eux en masse (pas moins d’une vingtaine), certains avec plus de talent que d’autres, (mention spéciale à Valérie Mairesse, parfaite en mère maquerelle excentrique), gâchent parfois nos envies de passion dévorante, entachée notamment par quelques touches d’humour parfois déconcertantes et autres rôles bridés (on pense particulièrement à Mercutio).

 Mais si tout s’enchaîne en chorégraphies et jeux bien peignés, nous voilà à la fin des deux heures, et alors que sonne le glas de la pièce et de l’histoire d’amour que l’on a vu naître, je me retrouve quelque peu décontenancée de ne pas avoir été davantage prise par les sentiments, cette passion dévastatrice que j’admire tant et depuis toujours, ne m’a, dans cette configuration bien huilée, pas arraché le cœur. Le trop sage aura sans doute été pour moi l’ennemi du bien …  
Elle emporte cependant toute mon adhésion et mon enthousiasme quant à sa qualité, de la prestation de ses amants d’un soir au subtil relent romantique qu’elle vous laisse au sortir du théâtre…

 À recommander à tous les amoureux de la plus populaire des pièces classiques!


            Actuellement au théâtre de la porte St Martin

 

 

Crédit photo du couple: Victor Tonelli/ Arcomart

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2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 20:06

À consommer sans modération...

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Animée d’une pulsion inhabituelle, je suis sortie de ma zone de confort pour me rendre au théâtre voir une pièce qui, au premier abord, m’effrayait.
En effet, les bas-instincts meurtriers de l'Homme (et autres actes condamnables s’en rapprochant), sont autant de sujets que je fuis, trop affairée à découvrir les turpitudes des gens plus communs. Et pourtant, voilà quelques années maintenant que je suis l’évolution d’un écrivain aux centres d’intérêts bien éloignés des miens, j’ai nommé Jean Teulé. L’une de ses histoires les plus retentissantes est aujourd’hui portée sur scène. Celle de la folie pure, de simples gens de la fin du XIXème, qui massacrèrent un homme pourtant connu et apprécié de tous, avant de le dévorer. Histoire sordide je vous l’accorde, d’autant plus lorsqu’on sait qu’elle est vraie.

C’est donc cet homme, victime de ses congénères qui ressuscite dans la peau de Jean Christophe Dollé, jeune comédien au talent indéniable capable de vous faire rire alors qu’il subit le pire. Il est accompagné d’une jeune femme, Clotilde Morgiève, volontairement muette mais étonnement expressive, rythmant la pièce en nous cuisinant toutes sortes de plats indéfinissables, mais dont le fumet nous parvient, comme pour inviter ainsi le public à prendre une place à table, à entrer dans la connivence de l’horreur qu’on nous sert à travers les descriptions hachées menues que nous rapporte le condamné. Ce dernier multiplie les rôles, parvenant à incarner à lui seul l’ensemble des protagonistes, évoluant dans un décor ingénieusement amovible, le tout aux sons produits par deux musiciens, côté jardin, qui rendent l’atmosphère encore un peu plus électrique.


L’ensemble est d’une grande qualité, la mise en scène bien qu’originale sert au mieux l’histoire. Ces deux couples, d’acteurs et de musiciens, au service du récit initial soigneusement respecté, l'illustrent sans écœurer le spectateur, qui comme moi, en reprendrait bien volontiers.

 

 

Actuellement au théâtre Tristan Bernard.

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